Une image et toute une histoire s'est déroulée

Assise, face à la coiffeuse, mon regard se porte sur le reflet de ma mère dans le miroir tandis qu’elle ajuste un collier de perles nacrées — quelque chose de vieux, autour de mon cou, assorti aux dormeuses — quelque chose de neuf— qui parent mes oreilles. 

— Oh, Tess, tu es magnifique, déclare-t-elle ses mains effleurant mes épaules, que ma robe, en dentelle de Calais, laisse dénudées. Ton père serait si heureux.

Une larme s’échappe du coin de son œil et rapidement elle la stoppe avant qu’elle ne dévale le long de sa joue. Instinctivement ma main se pose sur la sienne et un sourire ourle mes lèvres. Mon bonheur m’étouffe également et je pourrais pleurer aussi tant mon être vibre d’une intense émotion. Dans une demi-heure, je vais épouser mon âme sœur, Noah,  mon seul et unique amour, celui que j’aime, depuis que nous nous sommes télescopés au détour d’un couloir de ce sinistre hôpital, lors de  cette nuit qui a bouleversé nos jeunes vies.

Ma mère effleure ma joue d’un baiser et m’abandonne pour aider ma grand-mère à se préparer à son tour. À peine a-t-elle tourné les talons que mon téléphone sur la coiffeuse tressaute, menaçant de tomber. Je m’en saisis pour lire le message qui s’affiche.

« Tu me manques  » 

« Toi aussi »

Conformément à la tradition familiale, Noah et moi sommes séparés depuis trois jours, alors que nous vivons ensemble depuis quatre ans. D’après mamie Rose, le marié ne doit découvrir la tenue de son épouse qu’à l’instant même de la cérémonie. Faute de quoi le malheur s’abattrait sur nos têtes. Bien qu’absolument pas superstitieux, nous nous sommes pliés à la culture maritale pour faire plaisir à mon aïeule. 

Le bruit de la porte m’incite à lever les yeux de mon téléphone, pour découvrir celui qui s’introduit furtivement dans ma chambre. Celui avec lequel je textote. Noah, après avoir verrouillé derrière lui, s’adosse au battant, un sourire canaille sur les lèvres. Je lui renvoie le mien par le truchement de la glace. Son costume trois pièces, à la veste déboutonnée, galbe sa silhouette que je sais parfaite. Ses iris vertes pétillent  et une lueur de désir y luit. Immobile, je le scanne de la tête aux pieds, l’imagine débarrassé de ses vêtements et le manque de lui attise mon envie. Nous sommes rarement séparés et en permanence scotchés l’un à l’autre. L’alchimie entre nous ne faiblit pas malgré toutes les années passées....